Oxymore
Ce dessert terminé, il fallait le nommer
À une professeure de français, il était destiné
L’obscur chocolat, la passion éclairait
À ces vers de Corneille, il me faisait penser.
Tirade de Don Rodrigue à Don Fernand,
Le Cid de Corneille (Acte IV, scène 3)
DON RODRIGUE :
Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d’impatience autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit,
Passe une bonne part d’une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à mon stratagème ;
Et je feins hardiment d’avoir reçu de vous
L’ordre qu’on me voit suivre et que je donne à tous.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;
L’onde s’enfle dessous, et d’un commun effort
Les Mores et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer ; tout leur paraît tranquille ;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris ;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ;
Ils paraissent armés, les Mores se confondent,
L’épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre, ils s’estiment perdus.
Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ;
Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu’aucun résiste, ou reprenne son rang.
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient ;
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient :
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges,
De notre sang au leur font d’horribles mélanges ;
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.
Ô combien d’actions, combien d’exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu’il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait !
J’allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns, et soutenir les autres,
Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour,
Et ne l’ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre notre avantage :
Le More voit sa perte, et perd soudain courage ;
Et voyant un renfort qui nous vient secourir,
L’ardeur de vaincre cède à la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer
Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.
Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte :
Le flux les apporta ; le reflux les remporte,
Cependant que leurs rois, engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie :
Le cimeterre au poing ils ne m’écoutent pas ;
Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le chef : je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en même temps ;
Et le combat cessa faute de combattants.
C’est de cette façon que, pour votre service…
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles est l’un des plus beaux exemples d’oxymore1 de la littérature française, cette figure de rhétorique consistant à associer deux mots contradictoires, ici obscure et clarté.
L’éclat doré de la gelée de passion et la noirceur de la mousse au chocolat évoquait donc parfaitement cette figure de style. Un énième jeu de mot sur la passion eut été de trop.
Composition :
- Pâte sucrée aux graines de fruit de la passion
- Biscuit madeleine chocolat/passion
- Caramel chocolat/passion
- Gelée de passion (Gelée de fruits pour insert)
- Crémeux passion
- Mousse au chocolat noir
Saveurs :
Autour du fruit de la passion :
-
Number Cake Passion, Framboises et Vanille -
Tarte passionnément framboise -
Oxymore -
Souvenir tropical -
Fleurs des Îles sous le Vent
Pour huit personnes
Un entremets de 20 cm de diamètre
Durée
Saison
Catégorie
Convertisseur
Difficulté
Conseils et Organisation
- Préparez la gelée passion. Réservez au congélateur.
- Préparez le crémeux passion. Réservez au frais.
- Préparez le caramel chocolat/passion. Réservez à T° amb.
- Coulez le crémeux passion sur la gelée. Réservez au congélateur.
- Préparez la pâte sucrée et le biscuit madeleine. Réservez au congélateur.
- Préparez la chantilly au chocolat noir
- Montez l’entremets. Réservez au congélateur.
- Floquez l’entremets
- Coulez la gelée passion sur le dessus de l’entremets
- Laissez décongeler au moins 6 h au frais
Ingrédients & Matériel
Pâte Sucrée Passion :
- Farine : 83 g
- Beurre (pommade) : 50 g
- Jaune d’Œuf : 1
- Sucre glace : 30 g
- Poudre d’amande : 10 g
- Sel : 1 pincée
- Les graines d’un fruit de la passion
Biscuit Madeleine Passion :
- Œuf : 1 (50 g)
- Sucre : 60 g
- Beurre fondu refroidi : 25 g
- Lait : 12 g
- Huile d’olive : 37 g
- Jus de fruit de la passion : 10 g
- Farine : 62 g
- Cacao en poudre : 10 g
- Levure : 2 g
Gelée Passion :
Pour l’insert :
- Purée de fruits de la passion : 55 g
- Sucre pectiné :
- Sucre : 20 g
- Pectine NH : 1,5
Pour le topping :
- Purée de fruits de la passion : 35 g
- Sucre pectiné :
- Sucre : 12 g
- Pectine NH : 1 g
Caramel Passion Chocolat :
- Sirop de Glucose ⑴ : 70 g
- Sucre : 60 g
- Crème liquide 35%MG ⑴ : 160 g
- Purée de fruits de la passion ⑴ : 60 g
- Sirop de Glucose ⑵ : 25 g
- Fleur de sel : 2 g
- Chocolat Noir : 60 g
- Beurre doux : 45 g
- Crème liquide 35%MG ⑵ : 50 g
- Purée de fruits de la passion ⑵ : 50 g
Mousse Chantilly au Chocolat Noir :
- Chocolat Noir 55 % (Équatorial de Valrhona) : 185 g
- Crème liquide 35%MG ⑴ : 100 g
- Crème liquide 35%MG ⑵ : 200 g
Flocage Noir :
- Chocolat Noir 55 % (Équatorial de Valrhona) : 140 g
- Beurre de Cacao : 60 g
Crémeux Passion :
- Purée de fruits de la passion : 45 g
- Œuf : 45 g
- Sucre : 20 g
- Beurre : 50 g
Le tout-venant :
- Cul-de-poule
- Poêles & Casseroles
- Balance électronique
- Balance de précision (0,1 g)
- Rouleau à pâtisserie
- Fouet, Maryse & Spatules
- Corne & Coupe-pâte
- Thermomètre électronique
- Tapis de cuisson ou papier sulfurisé
- Film Plastique Alimentaire
Pour la recette :
Cercles, Moules & Récipients :
- Cercle à entremets de Ø20 et 18 cm
Coutellerie et Râpes :
- Couteau d’office
Appareillages :
- Mixeur plongeant
- Robot pâtissier
La Recette en pas à pas
Les Recettes de base et techniques :
Le degré Bloom
Le degré bloom représente la force ou résistance à l’enfoncement d’une gelée, d’un gel ou d’une solution de gélatine. Les produits achetés dans le commerce (feuille ou poudre) sont compris entre 50 et 300 blooms (la plupart du temps 200 blooms). Plus le bloom est important, plus la gélification sera importante (à masse équivalente).
Calculer la masse de gélatine en fonction du bloom :
Si une recette vous demande 2 g (masse proposée) de gélatine 130 bloom (bloom proposé), mais que vous possédez une gélatine 200 blooms (bloom possédé), il suffit d’effectuer ce calcul (qui n’est pas, à proprement parlé, une règle de trois) pour trouver la masse à peser (masse cherchée) :
Gélatine en feuille ou Gélatine en poudre ?
La masse de gélatine en feuille correspond à la masse de gélatine en poudre (à bloom équivalent). La seule différence entre les deux types de gélatine est son emploi :
- La gélatine en poudre se réhydrate dans cinq fois sa masse en eau.
- La gélatine en feuille se réhydrate dans un grand volume d’eau froide (puis pressée et essorée).
Réhydrater une feuille de gélatine
La gélatine en feuille doit être réhydratée dans un grand volume d’eau froide (et même glacé si possible). On la laisse gonfler 15 min puis on la presse entre les mains et on l’essore pour l’introduire dans une préparation chaude (mais pas bouillante) ou on la fait fondre délicatement dans une casserole.
Une feuille pèse habituellement 2 g, cependant il est préférable de peser la feuille de gélatine, car tous les fabricants ne se valent pas.
Préparer une masse gélatine
La masse gélatine est le nom donné au mélange entre la gélatine en poudre et l’eau servant à sa réhydratation. Contrairement à la gélatine en feuille qu’on réhydrate dans un grand bol d’eau froide, la gélatine en poudre nécessite une pesée précise de l’eau.
La méthode en pas à pas
Préparez la masse gélatine en mélangeant la gélatine en poudre et l’eau d’hydratation. Laissez gonfler au frais.
Au bout d’un bon quart d’heure, faites fondre la gélatine au bain-marie, filtrez puis replacez au frais. Vous pouvez alors utiliser la masse gélatine soit fondue à nouveau au bain-marie, soit solide coupée en morceaux.
Ma préférence (à moi) va à la gélatine refondue, elle s’incorpore plus facilement et surtout, de façon plus homogène.
Pourquoi je réhydrate la gélatine avec cinq fois le poids en eau et pas six fois.
La gélatine en poudre se réhydrate préférentiellement dans cinq fois sa masse en eau et non six fois comme on le voit très souvent.
La raison en est toute simple. Une fois la préparation décongelée, quelle qu’elle soit, elle va avoir tendance à rendre de l’eau. En ne la réhydratant qu’avec cinq fois sa masse en eau, la gélatine va pouvoir absorber ce surplus d’eau, ce qu’elle ne pourrait pas faire si on l’avait réhydratée avec six fois sa masse en eau.
Le Sucre pectiné
Le sucre “pectiné” est un simple mélange de sucre et de pectine. Il permet d’éviter la formation de grumeaux lors de l’incorporation de la pectine dans la préparation. Il s’introduit dans un liquide chaud, mais pas bouillant (aux alentours de 50 °C).
La méthode en pas à pas :
Pesez précisément la pectine puis ajoutez le sucre. Mélangez au fouet pour bien la disperser dans le sucre.
Faites chauffer votre préparation. Lorsqu’elle est suffisamment chaude, ajoutez le sucre pectiné et fouettez vivement pour bien la dissoudre. Portez à ébullition et maintenez cette dernière une dizaine de secondes.
Gratter une gousse de vanille
La méthode en pas à pas
Posez la gousse de vanille sur la planche à découper puis avec côté non tranchant de la lame, appuyez sur toute la gousse de vanille pour l’aplatir. Cela sera plus simple ensuite de l’entailler.
Avec la pointe du couteau, entaillez la gousse sur toute la longueur puis, à nouveau avec le côté non tranchant, récupérez les grains de vanille en passant la lame sur toute la longueur. Effectuez un second passage si nécessaire.
Le Beurre pommade
Le beurre “pommade” est le nom que l’on donne à du beurre très mou, dont la texture ressemble à celle d’une crème de beauté. D’où le nom. Si on peut le laisser plusieurs heures à température ambiante pour qu’il ait cette texture, il est également possible de l’obtenir d’une autre manière :
La méthode en pas à pas :
Coupez le beurre en petits morceaux et placez-les dans un cul de poule ou une casserole à bain-marie. Placez-le quelques secondes au-dessus du bain-marie d’eau chaude jusqu’à ce que le beurre au fond commence à fondre.
Sortez immédiatement du bain-marie et commencez à travailler le beurre à la spatule ou au fouet (la spatule est plus simple, car le beurre est encore assez dur à ce moment).
Faites des allers-retours sur le bain-marie pour réchauffer le beurre petit à petit puis fouettez-le jusqu’à ce qu’il ait l’allure d’une pommade.
Pâte Sucrée aux Graines de la Passion :
Crémez le beurre pommade avec le sucre puis ajoutez la poudre d’amande, les graines de passion et le jaune d’œuf. Formez un puits avec la farine et le sel préalablement tamisés et amalgamez le tout au coupe-pâte pour obtenir une pâte homogène. Filmez et réservez au frais au moins deux heures.
Abaissez la pâte à 3 mm et détaillez un disque de 18 cm. Piquez-le et réservez-le au frais à nouveau 2 h avant d’enfourner pour 20 min de cuisson. Laissez refroidir et conservez à l’abri de l’humidité.
Gelée Passion (insert) :
Portez la purée de fruit de la passion en ajoutant le sucre pectiné aux alentours de 50 °C. Mélangez vivement pour bien dissoudre la poudre et laissez bouillir une vingtaine de secondes.
Débarrassez immédiatement dans le cercle de 18 cm de diamètre préalablement filmé puis laissez figer au frais quelques heures avant de le placer au congélateur.
Crémeux Passion :
Chauffez doucement la purée de fruit de la passion. Dans un bol, fouettez l’œuf avec le sucre puis versez-y la purée chaude. Mélangez et reversez dans la casserole.
Portez l’ensemble à 82-83 °C en mélangeant constamment et, hors du feu, ajoutez le beurre froid coupé en morceaux.
Laissez refroidir dans un bac, filmé au contact, avant d’étaler sur la gelée de passion congelée. Remettez au congélateur.
Biscuit Madeleine Chocolat/Passion :
Faites fondre le beurre et laissez-le tiédir. Dans un cul-de-poule, fouettez vigoureusement l’œuf avec le sucre. Ajoutez le beurre tiède puis le lait, la purée de fruits de la passion et l’huile d’olive. Mélangez entre chaque ajout puis ajoutez la farine tamisée avec la levure puis le cacao.
Versez la pâte dans un cercle de 20 cm de diamètre puis enfournez 20 min environ. Laissez refroidir sur grille. Une fois refroidi, retaillez le biscuit à 18 cm de diamètre.
Caramel Passion :
Portez à ébullition, la crème liquide ⑴, la purée de passion ⑴, la fleur de sel et le sirop de glucose ⑵ à ébullition. En parallèle, réalisez un caramel ambré avec le sucre et le sirop de glucose ⑴. Décuisez-le, hors du feu, avec la crème bouillante puis remontez la température à 107 °C.
Ajoutez alors dans l’ordre, le chocolat noir puis le beurre (aux alentours de 60-65 °C) puis le deuxième mélange crème/passion. Mixez pour émulsionner et conservez dans un pot.
Mousse au Chocolat Noir :
Faites fondre le chocolat noir au bain-marie. En parallèle, portez les 100 g de crème liquide à ébullition puis versez-les en trois fois sur le chocolat fondu pour créer une émulsion (comme pour une ganache).
Laissez refroidir le mélange à 45-50 °C avant d’incorporer les 200 g de crème liquide montés en chantilly souple. Passez immédiatement au montage.
Montage de l’Entremets :
Coulez de la mousse et tapissez les bords du cercle à la spatule pour éviter les bulles d’air. Lissez puis déposez l’insert congelé crémeux/gelée.
Ajoutez de la mousse, lissez à nouveau puis déposez le biscuit, côté madeleine au contact avec la mousse. Appuyez sur le biscuit pour faire remonter la mousse et lissez une dernière fois. Replacez au congélateur.
Flocage de l’entremets :
Faites fondre au bain-marie le chocolat noir et le beurre de cacao. Lorsque le mélange est bien fondu, homogène et bien chaud (50 °C environ), versez-le dans un pot lui-même placé dans le réservoir du pistolet à peinture.
Sortez l’entremets du congélateur, placez-le sur une grille (elle-même si possible sur un plateau tournant) et dans un endroit qui ne craint pas la salissure (le lave-vaisselle, la douche ou la chambre d’un ado).
Placez le pistolet à une vingtaine de centimètres de l’entremets. Pulvériser le flocage sur une paroi, pour éviter les crachats de flocage classique lors de la première pulvérisation, puis floquez l’entremets sans vous arrêter en restant à distance et en tournant autour de l’entremets.
Gelée Passion (topping) :
Réalisez une nouvelle gelée de passion en suivant la recette précédente pour l’insert puis coulez-la, encore chaude, sur l’entremets congelé débarrassé de son demi-disque (vous pouvez l’enlever avant le flocage). Replacez au congélateur puis, laissez décongeler 6 h. Sortez 30 min avant la dégustation.
- de ὀξύς, oxús (aigu, spirituel) et μωρός, môrόs (stupide) ↩︎