Mon histoire d’amour avec le canelé date depuis longtemps. En fait, je l’ai toujours connu. Avec “le” frangipane (sorte de galette des rois, mais recouverte d’un appareil à macaronade, de sucre glace et d’amandes effilées), il était la pâtisserie incontournable que nous allions acheter, avec Mamie, chez Antoine, célèbre (en tout cas pour nous) pâtisserie du quartier des Chartrons de Bordeaux.
Malheureusement cette institution de notre quartier n’existe plus. Victime d’un incendie en 2009 et malgré une réouverture en 2012, elle n’a jamais pu se relancer pleinement et aujourd’hui le quartier, sans Antoine et sans La Laitière, me semble bien vide.
Une Histoire de Bordeaux :
Derrière cette petite pâtisserie, c’est toute une partie de l’Histoire industrielle de Bordeaux qui s’écrit. La plus belle comme la plus sombre. Il serait apparu, mais aucune source ne nous permet de le confirmer, vers la fin du XVIIᵉ siècle, et serait la création des sœurs du Couvent des Annonciades qui les donnaient alors aux plus nécessiteux.
Le canelé, grosso-modo, c’est quatre ingrédients majeurs. Le rhum, la vanille, le sucre de canne et les jaunes d’œufs. Surtout le rhum ! Elles récupéraient les trois premiers ingrédients lors du déchargement des navires revenant des Amériques à l’époque du tristement célèbre “Commerce triangulaire”. Tristement célèbre puisqu’il est plutôt connu sous son autre nom beaucoup plus évocateur de “traite négrière”.
À cette époque, les Européens (Français, Espagnols, Portugais, Anglais…) affrétaient des navires chargés de produits à destination des Africains en échange d’esclaves qu’ils emmenaient ensuite (dans des conditions pires qu’effroyables) en Amérique où ils les revendaient là encore contre d’autres marchandises qu’ils ramenaient en Europe (d’où le terme de “triangulaire” puisque trois continents étaient impliqués dans cette traite).
Ces ingrédients, tombés des tonneaux sur les quais, étaient alors récupérés par les sœurs. Ne restaient plus qu’à ajouter des jaunes d’œufs. Et pour ne pas gâcher les blancs, et pour se faire un petit bas-de-laine (y’a pas de petits profits) elles les vendaient aux vignerons bordelais qui s’en servait pour coller leurs vins pour les clarifier !
Le collage consiste à ajouter des protéines animales (le blanc d’œuf, la gélatine…) dans le vin. Celles-ci vont s’agglomérer aux différentes particules solides stagnant dans le vin. Elles les emportent alors par gravitation vers le fond du tonneau que l’on peut ainsi récupérer et permettant ainsi de clarifier le vin en le rendant plus limpide !
Un peu de “N” en moins, mais de l’amour :
Originellement, le nom de ce gâteau est probablement dérivé de la forme du moule dans lequel il est cuit. On n’en retrouve aucune trace dans le couvent cependant. Il devrait alors s’écrire avec deux “n”. Ce qui est le cas à l’origine. Mais en 1985, sous l’instigation du pâtissier Daniel Antoine, est fondée la Confrérie du Canelé qui décide ainsi de supprimer un “n”.
On pourrait croire à du snobisme. Peut-être. Mais il y a pourtant une (assez bonne) raison ! Protéger la recette. Car le cannelé ne l’est pas, protégé. Et si tout un chacun peut le réaliser (et tant mieux), tant que cela reste artisanal, le mal n’est pas bien grave. Mais si l’industrie se met à le produire de façon industrielle, vous imaginez la catastrophe. En supprimant un “n” ils ont alors pu déposer la marque et aujourd’hui un cahier des charges est clairement établi et permet ainsi la protection de la “vraie” recette du canelé. Ouf !
Ainsi maintenant à vous de choisir, non pas votre camp, mais votre orthographe. Quel que soit votre choix, une seule chose compte chez le can(n)elé, respectez-le ! Offrez-lui ce qu’il y a de meilleur. À la poubelle l’arôme liquide de vanille ! Le rhum est ambré, la vanille en gousse et le sucre est de canne (et si possible complet). Merci pour lui.
Saveurs :
Quelques idées :
Canelé Bordelais
Pour 12 canelés lunch
Durée
Catégorie
Cuisine du Monde
Convertisseur
Difficulté
Conseils et Organisation
Sur le Choix du Moule
Bien évidemment le top du top pour la cuisson reste le moule en cuivre étamé ! Vient ensuite le moule en aluminium (plus compliqué à nettoyer) puis les moules en silicone.
Mais on ne va pas se mentir. Entre le prix d’un moule en cuivre et d’un moule en silicone, le choix est parfois vite fait. En toute honnêteté lorsque je réalise des canelés “grands formats” (voir également des petits), pour la famille par exemple, j’utilise mes moules en cuivre mais quand je réalise 150 canelés pour le lycée je vais pas m’amuser à passer plusieurs heures en cuisson et gestion des petits moules en cuivre. Ou alors il m’en faudrait au moins une cinquantaine. Pas les moyens…. Donc moi aussi j’utilise les plaques de moules en silicone. J’en ai notamment deux possédant chacune 77 empreintes pour canelés. Ce qui est quand même terriblement pratique pour les cuissons en grande quantité.
Sur le graissage des moules
Il existe plusieurs techniques pour graisser les moules : avec du beurre, de la cire d’abeille, un spray graissant. J’avoue n’avoir jamais testé la cire et je les graisse toujours avec le spray. Le résultat est efficace et je ne pense pas que la différence soit significative.
Sur l’appareil
Deux remarques à faire :
Troisième des deux remarques (bein quoi ?), un canelé se mange le jour même de sa cuisson. Après, il est trop tard, le canelé perd son croustillant.
Inutile de faire bouillir le lait, bien au contraire. Car lorsque vous allez l’incorporer aux œufs, il faut éviter que sa température soit supérieure à celle de la coagulation de ces derniers. Donc un lait chaud, mais pas bouillant (75-80 °C max).
Le secret d’un canelé réussi, outre la maîtrise de la cuisson, c’est le temps de repos. On fait ainsi l’appareil au moins 24 heures avant la cuisson. Quarante-huit heures, c’est encore mieux. L’appareil peut également se congeler.
Sur la cuisson
Ah la cuisson ! Vaste sujet et vaste programme. On pourrait en écrire un roman ! Rassurez-vous, je ne vais pas le faire. Dans le déroulé de la recette, je vous mets les temps et les températures que j’utilise, mais avec les moules en silicone cela reste assez aléatoire, y compris pour un même four… Un peu moins avec les moules en cuivre quand même. Mais en même temps, on l’a dit, c’est le top du top.
Une seule méthode donc. Connaître son four. Oui, je sais, ça ne veut rien dire et c’est un peu lâche ! Mais c’est le meilleur moyen que les rédacteurs de recette aient trouvé pour se dédouaner des problèmes de cuisson ^^ Sans rancune ?
Ingrédients & Matériel
Appareil à Canelé :
Lait : ½ l
Farine (T45 ou T55) : 100 g
Sucre (au choix) : 250 g
Œuf entier : 2
Jaune d’œuf : 2
Beurre doux : 50 g
Vanille : 2 gousses
Rhum brun : 50 g
Le tout-venant :
Cul-de-poule
Poêles & Casseroles
Balance électronique
Fouet, Maryse & Spatules
Pour la recette :
Cercles, Moules & Récipients :
Moule à Canelé
Coutellerie et Râpes :
Couteau d’office
Appareillages :
Mixeur plongeant
La Recette en pas à pas
Appareil à Canelé :
Faites chauffer le lait avec les gousses de vanilles fendues et grattées. Inutile ici de le faire bouillir. Mélangez le sucre et la farine. Ajoutez les œufs et mélangez avec la maryse jusqu’à obtenir un mélange bien homogène.
Ajoutez le lait chaud (mais pas bouillant, il doit être à moins de 80 °C pour éviter la cuisson des œufs !) petit à petit en mélangeant avec la maryse. Ajoutez le beurre coupé en petits morceaux et mélangez à nouveau. Laissez refroidir jusqu’à température ambiante et ajoutez enfin le rhum.
Mélangez et versez dans un récipient. Filmez et laissez reposer au frais pour la nuit (voir plus). Laissez les gousses de vanilles pour qu’elles infusent la pâte.
Cuisson des Canelés :
On rentre dans la partie compliquée de la recette, car la plus aléatoire. Elle va dépendre un peu de votre four. Si vous regardez les différentes recettes sur le net ou dans les livres, vous trouverez pas mal de différence, mais grossi-modo, la procédure reste la même :
Une cuisson à très haute température (entre 220 et 250 °C) sur un temps court (10 à 20 minutes)
Une cuisson à température “classique” (entre 150 et 180 °C) sur un temps plus long (entre 45 minutes) et 1 heure
Moules en cuivre
Moules en silicone
Commencez par “brûler” vos moules en cuivre graissés à vide en les plaçant au moins 30 minutes dans un four chauffé à 220 °C (chaleur tournante).
Essuyez-les avec un papier absorbant et graissez-les à nouveau. Mélangez délicatement la pâte pour la rendre homogène avec une maryse. Évitez le fouet pour ne pas incorporer de l’air dans le canelé qui risquerait de trop gonfler. Remplissez-les aux trois quarts.
Placez les moules sur une plaque et enfournez les 15 min à 220 °C puis 45 min à 160 °C.
Démoulez dès la sortie du four (sinon les canelés vont accrocher aux moules). Laissez-les refroidir la tête en bas pour éviter qu’ils ne s’affaissent. Ils seront meilleurs consommés dans la journée, le lendemain, ils auront perdu de leur croustillant (10 min à 150 °C permet de retrouver un peu de croustillant)..
Les canelés vont gonfler à la cuisson puis revenir au niveau de remplissage. Si le niveau est rempli entièrement, la base ne sera pas très droite et vos canelés ne seront pas très élégants.
Dans le cas d’une cuisson avec des moules en silicone, je vous propose la cuisson suivante (chaleur tournante) :
Préchauffez le four au maximum de ses capacités puis enfournez les canelés dans la position basse du four pendant 15 minutesà 230 °Cpuis 1 h 15à 180 °C.
Là encore, démoulez à chaud, mais inutile de brûler le moule auparavant.