Le Labo

Altitude et Cuisson

Imaginez. Vous êtes en pleine montagne, l’air pur en plein visage et une vue à couper le souffle. Ça donne envie ! Surtout dans les Pyrénées.

Après quelques heures de montée vous arrivez enfin à votre destination, un magnifique étang niché en plein cœur des massifs. 

Décidé à grimper jusqu’au sommet, vous profitez de la vue de l’étang pour reprendre des forces. Vous sortez le réchaud, un peu d’eau du lac et c’est parti pour un bon plat de pâtes.

Sauf qu’en véritable amoureux des pâtes, la cuisson, c’est important, vous les voulez al-dente, une minute de plus, une minute de moins et c’est foutu. Vous regardez donc sur le paquet et les faites cuire le temps indiqué. 

Et là, c’est pas bon.

Mais alors pas bon du tout ! Les pâtes sont trop dures ! Alors al-dente oui, mais cru faut pas exagérer non plus.

Vous commencez d’abord par insulter copieusement le fabricant (ça coûte rien et ça défoule) et puis vous vous mettez à réfléchir (mais si vous en êtes capable).

Et si le fabricant n’y était pour rien ? Et si c’était la montagne qui était responsable ?

Il y a bien longtemps vous avez appris que l’eau bout à 100 °C. On avait même surement utilisé cette phrase pour expliquer ce qu’est une vérité absolue ! 

Et si en fait c’était complètement faux ?

Et si vous preniez quelques minutes pour lire ce qui suit ?

 
Ébullition :

La matière existe sous trois états : solide, liquide et gazeux. Le passage de l’un à l’autre de ces états s’appelle le changement d’état.

L’ébullition est l’une des deux formes (avec l’évaporation) du changement d’état passant de l’état liquide à l’état gazeux qui s’appelle la vaporisation.

Pour faire passer la matière d’un état à l’autre il suffit de faire varier sa température. 

Si la matière est un corps pur (constitué d’un seul type de particules) alors la température reste constante lors du changement d’état. 

Évolution de la température en fonction du temps lors du chauffage de l’eau pur

Ainsi dès qu’elle se met à bouillir, l’eau reste à la même température. Elle ne remontera que lorsque la dernière goutte d’eau liquide se sera transformée en vapeur.

C’est donc inutile d’attendre quelques minutes après l’ébullition pour verser les nouilles en espérant que l’eau y sera plus chaude !

Cela ne nous explique cependant pas le problème lié à l’altitude ! Il est nécessaire d’introduire alors un autre concept : la pression atmosphérique.

 
Pression atmosphérique :

La pression atmosphérique correspond en quelque sorte à la masse d’air pesant sur la surface de la Terre.

La pression atmosphérique sera d’autant plus importante que la quantité d’air sera également importante (plus il y a d’air plus sa masse est importante et donc plus il pèsera sur la surface de la Terre).

Et puisque nous parlons un peu de montagne, si vous vous demandez à quoi servent les raquettes de randonnées c’est aussi une question de pression. En augmentant la surface entre vos pieds et la neige vous diminuez la pression que subit la neige (elle est répartie sur une plus grande zone). Vous vous enfoncez donc beaucoup moins dans la neige.

 
Pression atmosphérique et Ébullition :

À l’état liquide, les particules composant le corps pur sont faiblement liées, elles peuvent se déplacer les unes par rapport aux autres. Cependant, elles ne peuvent être totalement indépendantes les unes des autres (les particules forment un ensemble continu en se “touchant” les unes aux autres).

Lorsqu’on augmente la température du liquide on libère les particules qui le composent. Celles-ci sont de moins en moins liées entre elles et deviennent complètement libres de se déplacer les unes par rapport aux autres. C’est l’état gazeux.

Particules à l’état liquide ou gazeux

Lorsque l’altitude augmente l’air se raréfie, les particules le composant sont de moins en moins nombreuses.

La masse d’air sera donc moins importante pour venir peser sur la surface de l’eau liquide. Les particules sont donc plus libres de se déplacer et il faudra chauffer à une plus petite température pour les libérer complètement les unes des autres.

Ainsi plus l’altitude augmente plus la température d’ébullition de l’eau va diminuer. Et comme c’est un corps pur elle restera à cette température durant toute la durée de l’ébullition. Au lieu de cuire des pâtes dans une eau à 100 °C elles cuisent à 95, 90 °C.

Elle serait à 85 °C au sommet du Mont-Blanc et à 72 °C au sommet de l’Everest.

La preuve en image :

Voici trois photographies que j’ai effectuées cet été en faisant bouillir de l’eau dans trois lieux différents :

  • Corbeil-Essonnes, département de l’Essonnes, proche du niveau de la mer.
  • Comus, département de l’Aude, moyenne montagne
  • Lac de Laurenti, département de l’Ariège, haute montagne
Corbeil-Essonnes
Comus
Étang De Laurenti

Si vous souhaitez vérifier par vous-même :

Si vous avez la curiosité de vérifier par vous-même et si la montagne vous intéresse, je profite de cet article pour vous conseiller plus que vivement de séjourner un peu en Ariège pendant l’été !

Vous y profiterez d’un cadre magnifique et de randonnées magnifiques (des plus faciles aux plus compliquées). Vous pourrez plonger au cœur de l’Histoire en parcourant les citadelles du vide (les châteaux cathares).

Et si les photographies vous ont donné envie, arrêtez-vous au Laurenti. Ce n’est pas une randonnée très compliquée et familiale. Monter jusqu’à l’étang vous prendra entre 45 minutes et 1h45 – 2 h en fonction de vos aptitudes (et je vous garantis les temps ayant fait cette randonnée plusieurs fois, les dernières fois avec 80 kg de moins !).  Et la vue y est tellement magnifique ! 

Si vous êtes d’attaque et si la météo le permet vous pourrez pousser jusqu’au sommet du Roc Blanc qui surplombe l’étang. Sinon profitez de l’étang, faites en le tour et rentrez tranquillement. Et avec un peu de chance, s’il a un peu plu la veille, vous pourriez repartir avec quelques cèpes !

Pour terminer la cuisson des pâtes n’est pas la seule à être modifiée. Cuisiner en haute montagne signifie également d’adapter les temps de cuisson de la meringue italienne (habituellement 121 °C) et la crème anglaise (82-84 °C), deux préparations tant importantes dans de nombreuses pâtisseries.

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